Les quatre morts du président Petit
création 2011
Tableau après tableau, un décalage historique
glissant peu à peu vers le surréalisme puis le merveilleux.
Un troublant rapprochement entre les pratiques
politiques de la « Belle Époque » et celle d'aujourd'hui.
« Mort en 1911 au cours d'un voyage dans sa ville natale, Petit n'aurait sans doute pas marqué les esprits si les circonstances de sa disparition n'avaient suscité dans la presse de l'époque 4 versions contradictoires : la mort par accident bête, par suicide, par assassinat ou la disparition par assomption céleste. Cent ans plus tard, à l'initiative d'un office de tourisme aussi fictif que son héros local, ce sont ces 4 versions qui font, à tour de rôle sur les 4 lieux présumés du drame, l'objet d'une reconstitution commentée d'une quinzaine de minutes. »
Les 4 morts du Président Petit s'amuse du registre satirique, joue du cadre, du hors-cadre et des aspects risibles de la reconstitution théâtralisée. Adopter 4 horaires et lieux de représentation donne ici une occasion de se confronter à un format d'écriture particulier et de démultiplier les points de vue sur des paysages urbains choisis selon les mises en scène adoptées pour chacun des 4 tableaux. Une manière de renouer avec quelques fondamentaux du théâtre de rue : humour impertinent, détournement et appropriation de l'espace urbain. « Pas si facile mais, au final, un réel plaisir autant pour les acteurs que pour le public. »
Photos @ Jean-Pierre Estournet, Vincent Muteau
Production Delices DADA.
Coproductions et accueils en résidence Les Ateliers Frappaz - Centre métropolitain des arts urbains de Villeurbanne, L'Atelier 231 – CNAR de Sotteville-lès-Rouen, Le Parapluie - Centre International de Création Artistique d'Aurillac, Le Citron Jaune /Cie Ilotopie – CNAR Port -Saint -Louis-du-Rhône.
Coproduction Quelques p'Arts le Soar, Scène Rhône-Alpes.
Avec le soutien du Ministère de la Culture (DGCA).
La Montagne 17 août 2011
Pauvre président Petit ! Condamné, par le tribunal de la médiatisation, à revivre quatre fois sa mort.
D’ailleurs même à l’époque, en 1911, les journaux ne sont pas d’accord. L’un mise sur l’accident bête, l’autre parie sur le suicide, le troisième mettrait sa Une à couper qu’il s’agit d’un assassinat, quand le quotidien catholique y voit l’œuvre divine.
Ce héros malgré lui, c’est Emile Petit, né à Aurillac en 1855. Une carrière fulgurante portée par « une vocation pour le pouvoir précoce ». Il devient maire de Passy à 27 ans. Ensuite traversé du désert, puis ministère des finances, de l’intérieur, avant de décrocher, en 1907, le poste suprême de président de l’Union des intérêts économiques. Pas vraiment de grandeur d’âme, chez ce Petit. Mais la matière idéale pour l’imagination débordante et délirante de Delices DADA.
`De ces quatre morts, la compagnie a modelé quatre spectacles, courts, pour quatre raisons de s’enthousiasmer. Chaque fois, même topo. Une sorte de grande messe télévisée, où le présentateur, directeur temporaire à la petite semaine d’un obscur office de tourisme, invite des invités tous moins pertinents les uns que les autres à débattre des théories. Ensuite, place à la reconstitution historique par la compagnie guéretoise « histoires d’Histoire ».
Sur le fil, les Delices se glissent avec subtilité et gourmandise dans la peau de ces personnages bouffis d’ego et vides de sens. À travers eux, ils n’épargnent personne. Ni les médias, suçant jusqu’à la moelle le moindre fait divers à leur portée. Ni les autoproclamés spécialistes de tout poil, aussi creux qu’ils aiment faire des vagues. Ni, enfin, leur monde, celui du théâtre, pétri de velléités inaccessibles au commun des mortels.
Le fil narratif jamais ne se rompt, l’histoire jamais ne se délie. Petit meurt, chaque fois, et c’est un bonheur chaque fois.
Les Quatre morts… font mouche, hilarantes à souhait, d’autant que toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé est intentionnelle, évidemment …
Matthieu Perrinaud
à lire sur theatredublog.unblog.fr
Les 4 morts du Président Petit par la compagnie Délices Dada
Le Président Petit est un petit président (tant en taille qu’en importance) qui serait mort de quatre manières différentes, à en croire les journaux de l’époque : mort accidentelle, suicide, assassinat, enlèvement céleste ! À quelle version devons-nous porter crédit ? À vrai dire, peu importe : il ne s’agit pas, pour nous spectateurs, de démêler le vrai du faux dans ces histoires loufoques. Mais d’assister aux reconstitutions burlesques de ces quatre hypothèses. Le sous-directeur temporaire de l’office du tourisme d’Aurillac (excusez du peu !), après avoir convoqué des experts en psychologie, accidentologie, criminologie, fait appel à une compagnie de théâtre qui aura pour mission de mettre en scène les différentes morts du Président Petit, ce qu’elle fait sous forme de tableaux d’une dizaine de minutes.
Dans ce théâtre dans le théâtre, s’installe un jeu entre deux niveaux de fiction : celui de la mort du Président, et celui des comédiens et du présentateur (le très crédible Jeff Thiébaut, également créateur du projet). Le procédé-classique - porté avec simplicité et humour, est efficace, non sans clin d’œil politique et satirique à notre petit président national, d’autant plus que les dates concordes, à cent ans près ! Le spectacle s’inscrit dans les rues d’Aurillac. La compagnie « Délices Dada » utilise l’espace, les perspectives des ruelles, la lumière naturelle, mais non pas de manière fortuite : tout est pensé et repensé en fonction de l’espace, confie une comédienne de la troupe. Notre regard se trouve ainsi canalisé par un cadre métallique, cadre d’une peinture urbaine et vivante. Les comédiens arrivent par une longue ruelle qui nous fait face : cette marche, du lointain jusqu’au proche, en musique et en costumes du début XXème, produit son petit effet, comique et ludique ! Un second ancrage dans la rue consiste à ne pas nous proposer les quatre épisodes à la suite et en un même lieu, mais à des heures et en des endroits différents dont le dernier lieu ne nous est d’ailleurs révélé qu’à la suite du troisième épisode, ce qui, au suspens occasionné, ajoute un effet de fidélisation et de fédération de la communauté des spectateurs : nous étions de nombreux complices à nous retrouver pour cette quatrième mort du Président Petit. Cette itinérance est le témoin d’une volonté : celle de ne pas créer, dans la rue, un espace figé. Il s’agit donc d’un spectacle pensé avec et pour la rue ; drôle, tout en simplicité et subtilité, et gentiment sarcastique.
Nicolas Arribat